La
bad girl est reconnaissable à ses
attributs de féminité réduits au minimum. Par rapport au garçon manqué ou à
l’ancien terme de virago, l’image de bad
girl est connotée de façon nettement plus négative. Par définition, la bad girl a des mauvaises manières car
elle cherche à s’affirmer : elle parle fort, rit sans façons, s’exprime
sur un ton autoritaire ou catégorique et peut se montrer agressive. Dans son
livre King Kong Théorie, Virginie
Despentes décrit ses expériences punk rock, vécues comme un exercice
d’éclatement des codes établis, notamment en matière des genres. « Être
keupone, c’est forcément réinventer la féminité puisqu’il s’agit de traîner
dehors, taper la manche, vomir de la bière, sniffer de la colle jusqu’à rester
les bras en croix, se faire embarquer, pogoter, tenir l’alcool, se mettre à la
guitare, avoir le crâne rasé, rentrer fracassée tous les soirs, sauter partout
pendant les concerts, chanter à tue-tête en voiture les fenêtres ouvertes des
hymnes hyper-masculins, s’intéresser de près au foot, faire des manifs en
portant la cagoule et voulant en découdre… »[1]
En
fait, la bad girl est le contraire
exact d’une princesse. Celle qui sait que toute affirmation d’elle-même diminue
ses chances de séduction est obligée de se montrer futile, docile, gentille,
conciliante, de réprimer sa spontanéité, son énergie et leur substituer
« la grâce et le charme étudié que lui enseignent ses aînées »[2].
La
bad girl quant à elle essaie de faire
les mêmes expériences que les hommes, aller où elle veut et quand elle veut, se
mettre en danger, quitte à prendre des leçons de la violence. Elle n’a pas peur
du jugement des autres, en refusant cette féminité que Virginie Despentes
appelle la putasserie. Elle aspire à être un sujet libre et actif tandis que
les sollicitations sociales l’invitent à s’assumer comme objet passif
(auto-objectification)[3]. Rien
n’est pire pour elle que de rester dans sa chambre en attendant le prince
charmant, tandis qu’il se passe tant de choses dehors. Elle ne sort pas sous le
couvert de sa faiblesse et ose affronter le monde de façon souveraine, comme si
elle n’était pas une fille. Allant seule dans les villes où elle ne connait
personne, passant la nuit dans des gares, elle est plus qu’une autre obligée de
se défendre pour survivre et résister. C’est dans ces expériences-là, aussi périlleuses
soient-elles, qu’elle puise sa force : « Ce que j’ai vécu, à cette
époque, à cet âge-là, était irremplaçable, autrement plus intense que d’aller
m’enfermer à l’école apprendre la docilité, ou de rester chez moi à regarder
les magazines. C’était les meilleures années de ma vie, les plus riches et
tonitruantes, et toutes les saloperies qui sont venues avec, j’ai trouvé les
ressources pour les vivre[4]. »
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