William Oldroyd, le réalisateur
de The Young Lady (titre original Lady Macbeth), et sa scénariste, Alice
Birch, se sont tous deux fait un nom au théâtre en travaillant à la Royal
Shakespeare Company. Ce fait explique sans doute le choix du sujet de leur
nouveau film : il s’agit d’une adaptation pour le grand écran d’un des récits
les plus marquants de l’écrivain russe Nikolaï Leskov (1831-1895). Contemporain
de Tolstoï, de Dostoïevski et de Tchekhov, ce romancier, essayiste et critique
littéraire encore méconnu en France, soulève dans son œuvre plusieurs questions
politiques, sociales et religieuses. Intitulé Lady Macbeth du district de Mtsensk (1865), le récit précis et
puissant de celui qui est parfois considéré comme « le plus russe des
écrivains » raconte l’histoire d’un triple meurtre commis par une femme
prête à tout pour garder son amant.
Film d’époque à petit budget, The Young Lady transpose l’histoire d’une
passion meurtrière du milieu des marchands russes dans le huis clos des
demeures aristocratiques anglaises. Un retour aux sources pour ce drame aux
accents Shakespeariens et aux résonances contemporaines qui élève un fait
divers au rang d’une tragédie. Et malgré ce changement de décor, malgré une fin
nouvelle et surprenante, il réussit à recréer une ambiance similaire, ce
mélange d’ennui et d’austérité qui réveille des passions violentes et des
pulsions meurtrières. Autre point commun, c’est la force primitive et la
détermination de l’héroïne qui tranchent avec la fragilité du personnage
masculin. En même temps, la complexité de Katherine semble dérouter de nombreux
critiques de cinéma qui cherchent ses origines chez Flaubert, Henry James ou
D.H. Lawrence.
Le livre de Leskov a été adapté
au cinéma plusieurs fois, notamment en 1961 par le réalisateur polonais Andrzej
Wajda sous le titre de Sibirska Ledi
Magbet (Lady Macbeth sibérienne).
Le récit a également inspiré l'opéra de même nom de Dmitri Chostakovitch, écrite
sur un livret d'Alexandre Preis (1932). Cette œuvre irrita Staline par son
esthétique musicale autant que par le « naturalisme » de certaines
scènes sexuelles, très différent des idées que le petit père des peuples se
faisait de la famille soviétique. Un
article non signé de la Pravda du 28 janvier 1936, intitulé « Le chaos
remplace la musique » et écrit, comme pensait Chostakovitch, par Staline
lui-même, contenait une condamnation sans appel de l'opéra. Lady Macbeth
du district de Mtsensk fut interdite à la représentation jusqu’à la mort du
dictateur. Remaniée par le compositeur, elle paraît finalement sous le titre de
Katerina Ismailova (op. 114) en 1958 et représentée en 1962 à Moscou.
Cependant, c’est encore la version originale, l'opus 29, qui est le plus
souvent jouée sur les scènes du monde entier.
Le récit de Leskov a été réédité
en 2015 aux éditions Classiques Garnier. Par ailleurs, deux
projections-conférences de The Young
Lady animées par Catherine Géry, professeur à l'INALCO, auront lieu
prochainement à Paris :
- le 18 avril à 20h au cinéma les 5 Caumartins (75009) https://www.facebook.com/events/413687708996243/
- le 24 avril à 20h au cinéma du Panthéon (75006) https://www.facebook.com/events/837358589746288/
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