lundi 17 avril 2017

Le retour de Lady Macbeth


 
William Oldroyd, le réalisateur de The Young Lady (titre original Lady Macbeth), et sa scénariste, Alice Birch, se sont tous deux fait un nom au théâtre en travaillant à la Royal Shakespeare Company. Ce fait explique sans doute le choix du sujet de leur nouveau film : il s’agit d’une adaptation pour le grand écran d’un des récits les plus marquants de l’écrivain russe Nikolaï Leskov (1831-1895). Contemporain de Tolstoï, de Dostoïevski et de Tchekhov, ce romancier, essayiste et critique littéraire encore méconnu en France, soulève dans son œuvre plusieurs questions politiques, sociales et religieuses. Intitulé Lady Macbeth du district de Mtsensk (1865), le récit précis et puissant de celui qui est parfois considéré comme « le plus russe des écrivains » raconte l’histoire d’un triple meurtre commis par une femme prête à tout pour garder son amant.
 
Film d’époque à petit budget, The Young Lady transpose l’histoire d’une passion meurtrière du milieu des marchands russes dans le huis clos des demeures aristocratiques anglaises. Un retour aux sources pour ce drame aux accents Shakespeariens et aux résonances contemporaines qui élève un fait divers au rang d’une tragédie. Et malgré ce changement de décor, malgré une fin nouvelle et surprenante, il réussit à recréer une ambiance similaire, ce mélange d’ennui et d’austérité qui réveille des passions violentes et des pulsions meurtrières. Autre point commun, c’est la force primitive et la détermination de l’héroïne qui tranchent avec la fragilité du personnage masculin. En même temps, la complexité de Katherine semble dérouter de nombreux critiques de cinéma qui cherchent ses origines chez Flaubert, Henry James ou D.H. Lawrence.
 
Le livre de Leskov a été adapté au cinéma plusieurs fois, notamment en 1961 par le réalisateur polonais Andrzej Wajda sous le titre de Sibirska Ledi Magbet (Lady Macbeth sibérienne). Le récit a également inspiré l'opéra de même nom de Dmitri Chostakovitch, écrite sur un livret d'Alexandre Preis (1932). Cette œuvre irrita Staline par son esthétique musicale autant que par le « naturalisme » de certaines scènes sexuelles, très différent des idées que le petit père des peuples se faisait de la famille soviétique.  Un article non signé de la Pravda du 28 janvier 1936, intitulé « Le chaos remplace la musique » et écrit, comme pensait Chostakovitch, par Staline lui-même, contenait une condamnation sans appel de l'opéra. Lady Macbeth du district de Mtsensk fut interdite à la représentation jusqu’à la mort du dictateur. Remaniée par le compositeur, elle paraît finalement sous le titre de Katerina Ismailova (op. 114) en 1958 et représentée en 1962 à Moscou. Cependant, c’est encore la version originale, l'opus 29, qui est le plus souvent jouée sur les scènes du monde entier.
 
Le récit de Leskov a été réédité en 2015 aux éditions Classiques Garnier. Par ailleurs, deux projections-conférences de The Young Lady animées par Catherine Géry, professeur à l'INALCO, auront lieu prochainement à Paris : 
 
- le 18 avril à 20h au cinéma les 5 Caumartins (75009) https://www.facebook.com/events/413687708996243/
 
- le 24 avril à 20h au cinéma du Panthéon (75006) https://www.facebook.com/events/837358589746288/