mercredi 18 janvier 2017

Dolce Vita la scandaleuse



Affiche du film (Séances sur Seine)
 
Le 12 janvier dernier le cinéma Alcazar à Asnières a proposé, avec le soutien de l’association Séances sur Seine, une projection du film La dolce vita de Federico Fellini. Une occasion unique de revoir une œuvre mythique qui a fait couler tant d’encre à sa sortie en 1960, avant d’obtenir des récompenses internationales prestigieuses.
Saisi et coupé par la censure italienne, le film de Fellini était interdit aux moins de 18 ans en Italie et en France. En effet, dès sa sortie, La dolce vita rebaptisée par la presse « La Sconcia Vita » (« La Vie répugnante ») et  qualifiée de « crypto-cochonne » par l’adjoint au maire de Rome suscite des débats acharnés et des controverses violentes. Bien que de nombreux épisodes du film aient été inspirés au cinéaste par des faits et des gens réels, La dolce vita déclenche en Italie un énorme scandale dans les milieux ecclésiastiques et mondains et se transforme même en une affaire d’Etat, en faisant l’objet d’un débat au Parlement.
C’est ainsi que Fellini devient, un peu malgré lui, le plus politique des réalisateurs italiens. Jusque-là il était plutôt bien vu par les conservateurs et critiqué, voire rejeté par la gauche. Mais après la polémique autour de son nouveau film les jugements s’inversent. Un spectateur déclara au réalisateur, à la sortie de la première à Milan : "Vous devriez avoir honte, vous jetez l’Italie dans les bras des communistes". Les fascistes du Le MSI (Mouvement Social Italien) exigent le retrait de visa pour le film, dénonçant une atteinte à la vertu et à la probité du peuple romain et mais aussi à la dignité de la Ville éternelle.
L’Église et le Vatican, appuyés par le pouvoir démocrate-chrétien, lancent une virulente campagne appelant au boycott du film par les fidèles et traitant Fellini de « marxiste dépravé » et Marcello Mastroianni de « communiste ». Giuseppe Della Torre, directeur de L’Osservatore Romano (organe officiel du Saint-Siège), orchestre une campagne de dénigrement de ce film qualifié de dégoûtant, d’indigne et de « néo-décadent » et publie deux articles titrés « Basta ! ». Le pape sort choqué de la projection, on parle même de la possibilité d’excommunier le cinéaste qui se réclame du christianisme, lorsque Vatican déclare le film « moralement inacceptable ». Les catholiques  adressent lettres, télégrammes et exposés pour demander à la questure le retrait immédiat du film des salles de cinéma. On peut lire dans les journaux : « Le confesseur de Mme Fellini interdit formellement à sa pénitente d’aller voir le film de son fils… » et sur une porte d’église à Padoue : « Prions pour l’âme de Federico Fellini, pêcheur public ». 
La scène finale du film, une soirée de luxure dans une riche villa romaine est qualifiée d’orgie par les spectateurs indignés qui quittent la salle en protestant à haute voix. Parmi d’autres épisodes suscitant la réprobation ou le rejet on peut citer les errances de Marcello entre plusieurs femmes, l'arrivée par hélicoptère d'une statue géante du Christ et la scène du « faux miracle », enfin le suicide de Steiner après l'assassinat de ses propres enfants. Pour ne rien arranger, le côté scandaleux du film fut démesurément grossi par les rumeurs décrivant les scènes inexistantes dans le film, comme les actes d’échangisme ou les orgies dans des églises.
Les reproches concernent également la forme. Ainsi, la structure du récit souvent rejetée par la critique de l’époque comme « trop chaotique » s’éloigne du récit linéaire. Cette série d'épisodes en apparence déconnectés qui n'est pas sans rappeler celle des films à sketches  devient l’un des motifs de la rupture entre Fellini et son producteur initial  Dino de Laurentiis. En réalité, le film constitué d’un prologue, sept épisodes principaux interrompus par un intermède et un épilogue est parfaitement structuré et symétrique, l’épilogue reprenant le motif de l’incompréhension (« dialogue des sourds ») présent dans le prologue.
C’est aussi grâce à cette structure révolutionnaire et non seulement aux épisodes « osés » que le film de Fellini est devenu un grand classique du cinéma italien dont de nombreuses scènes cultes font aujourd’hui partie de l’imaginaire collectif.
 
 

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