lundi 25 juillet 2016

ParisBerlin : tour du rire franco-allemand


 
 
Le dernier numéro du magazine franco-allemand ParisBerlin (114, Juillet-Août 2016) consacre un dossier thématique au rire dans tous ses éclats. « Peut-on rire de tout ? » demande le journaliste Marco Wolter, en évoquant le poème satirique de l’humoriste Jan Böhmermann sur le président turc devenu une affaire d’Etat en Allemagne. En montrant les limites réelles de la liberté d’expression, cet incident diplomatique a remis en question l’affirmation de l’écrivain Kurt Tucholsky selon laquelle la satire à tous les droits.

 

Le magazine s’empare du sujet pour interviewer Plantu, le légendaire caricaturiste du Monde, sur l’évolution de l’humour après l’attentat de Charlie Hebdo, mais aussi sur son recueil de dessins  Drôle de peuple (2013), une leçon de « germanitude » aussi divertissante qu’intelligente. Son confrère allemand Klaus Stuttmann appartient à la même génération et travaille pour le quotidien berlinois Tagesspiegel, avec une nette préférence pour les dessins politiques visant la chancelière en personne, mais aussi ses opposants. Comme son ami Plantu, il fait partie de l’association « Cartooning for peace » qui défend la liberté d’expression et condamne la censure.

 

Impossible de parler de l’humour allemand sans évoquer Loriot dont les sketchs et les dessins ont traversé les générations. Quant à ses expressions marquées par l’absurde, elles sont passées dans le langage courant. Ce n’est pas par hasard qu’à sa mort en 2000, la chancelière Angela Merkel a salué l’homme qui a permis de mieux cerner « l’essence des Allemands ».

 

Une autre institution outre-Rhin, le magazine satirique Titanic aborde les questions d’actualité, sans reculer devant la critique des religions. En revanche, les attaques frontales contre le chef d’Etat en exercice sur une chaine publique seraient impensables en Allemagne, affirme la journaliste Katja Petrovic. Mais le cabaret politique y a une longue tradition. L’un des grands succès de cette saison théâtrale s’intitule Wohin mit der Mutti ? (Où caser maman ?). C’est l’histoire d’un couple moyen allemand qui devra héberger incognito la chancelière. Rythmé par des chansons, le spectacle se joue presque  tous les soirs à guichets fermés dans l’un des plus grands Kabaretts du pays, die Distel (le chardon), qui reçoit  100 000 spectateurs par an. Inspiré des cabarets français, comme Chat Noir à Montmartre, le Kabarett a survécu à la censure nazie et aux contraintes idéologiques de l’Allemagne de l’Est.

 

Chaque pays a-t-il son humour ? Romain Seignovert, auteur du livre Les meilleures blagues de Toto à travers l’Europe (2013), parle de l’importance de la caricature, du jeu de mots et de la provocation pour la culture française. Quand à l’humour allemand, il se moque plus des situations que des personnes et a également une prédilection pour l’absurde. Mais malgré ces particularités, les deux pays ont en commun l’émergence de la nouvelle génération des humoristes marquée par la diversité, la liberté de ton et l’usage des nouvelles technologies. Et si les stars du rire qui émergent sur Youtube franchissent allègrement toutes les limites, il est logique de se demander si elles réussiront à sortir aussi du cadre national…

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