dimanche 31 janvier 2016

5 raisons de lire « Le rêve brisé des working girls »


 
 
1. Parce que c’est du vécu

Diplômée de Sciences Po et de HEC, Claire Léost s’intéresse aux destins réels de quelques femmes qui semblent réunir toutes les qualités pour réussir. A travers les histoires bien ficelées retraçant le parcours de dix amies sorties de HEC, elle dresse un bilan amer des années vécues. Malheureusement, il n’a rien d’exceptionnel malgré l’égalitarisme et la méritocratie affichés par les grandes écoles françaises. Aujourd’hui encore les filles fraîchement diplômées sont 15% moins bien payées que les garçons et deux fois plus souvent qu’eux recrutées en CDD. L’auteure essaie de comprendre à qui incombe la responsabilité de cette situation, sans douté partagée entre les entreprises, les écoles, les hommes et les femmes elles-mêmes qui se mettent en position d’échec plus ou moins consciemment. Claire Léost croit néanmoins qu’il existe des moyens d’échapper à des nombreux obstacles invisibles qui se dressent sur leur route professionnelle.

 
 

2. Parce qu’on se reconnait dans ses héroïnes (même sans avoir fait HEC)

En tout cas, je me suis retrouvée un peu dans chacune de ces 10 bonnes élèves enthousiastes et ambitieuses : Marie devenue mère au foyer malgré elle, Garance qui hésite entre le camp des poètes et celui des marchands pour finalement décrocher un job intéressant mais ingrat et mal payé, Ariane s’investissant à fond dans l’aventure Internet, Chloé qui refuse de partager les moments d’intimité avec ses collègues, Mona qui travaille chez elle, tout en refusant d’être assimilée à une femme au foyer.

 

Le parcours de chacune est différent - et pourtant les freins à la réussite sont souvent les mêmes, tout comme ce « rêve brisé » qui les unit.

 


3. Parce qu’il détecte un bon nombre de pièges qui nous guettent

A travers ces exemples percutants, Claire Léost montre à quel point il est important d’éviter les pièges que l’entreprise, la famille et la société nous tendent. Allant à l’encontre des idées reçues, l’auteure découvre la face cachée de certains phénomènes répandus dans le monde de travail. Parmi de nombreux sujets abordés et donnant matière à des observations aussi perspicaces qu’inattendues :

- les réseaux de femmes

- les « Mompreneuses »

- les start-up misogynes

- le travail chez soi

- la réussite professionnelle des femmes sans enfants

- les soi-disant « nouveaux pères »

- les femmes à talons hauts…

-… et même les hommes qui ont les photos de leurs enfants sur leur bureau

 

4. Parce qu’il donne des conseils pratiques

Malgré sa lucidité implacable, Le rêve brisé des working girls est un livre constructif (et instructif). Chaque chapitre est conclu par La morale de cette histoire souvent drôle et toujours incisive qui esquisse des pistes intéressantes pour « déjouer les statistiques » et rester « la femme de votre vie ».

 

Voici par exemple un conseil à retenir pour le prochain entretien annuel avec votre employeur : « L’augmentation, chez les filles, c’est comme le bonheur chez Kant. Il faut faire son devoir, sans rien demander, sans espoir, et l’augmentation viendra (peut-être) par surcroît. Alors oubliez Kant, demandez, vous serez surprise de l’effet que cela produit ».

 
 

5. Parce que c’est bien écrit

Les lecteurs et les lectrices lassés des effets marketing des ouvrages comme La femme parfaite est une connasse ! apprécieront la précision, la fluidité et l’élégance d’un style concis et épuré. Associé à un rythme soutenu, il contribue beaucoup au succès de ce livre passionnant et efficace qui se lit d’un trait.

lundi 25 janvier 2016

La faute de Winnie l'ourson




Certains personnages Disney ont moins de chance que d’autres. C’est le cas de Winnie l’ourson devenu l’image la plus censurée en Chine en 2015. Selon les données récoltés sur le Weiboscope par Foreign Policy, la photo d’un jouet en plastique représentant Winnie dans une voiture a été partagée 65 000 fois durant les 69 minutes où elle est restée sur le réseau social Weibo. Le buzz a eu lieu le 3 septembre, jour où Xi Jinping passait ses troupes en revue lors d'une parade solennelle pour le 70e anniversaire de la fin de la deuxième guerre mondiale. Mais quelle est la faute de cet ourson gentil et joyeux pour mériter la colère du Parti?

 

Sur l'Internet chinois où métaphores et messages cryptés sont de mise pour contourner la censure, Winnie représente le président Xi Jinping, et l'analogie n’est pas toute récente. Déjà en 2013, un photomontage faisant appraître les deux personnages de dessin animé Winnie et Tigrou, en miroir avec Barack Obama et Xi Jinping, avait été censuré sur Weibo.

 

Depuis, la censure chinoise supprime automatiquement toutes les publications comparant Xi Jinping et le personnage de Disney. La photographie de ce jouet serait donc un nouveau détournement qui ferait référence à une photo du président chinois inspectant ses troupes du toit ouvrant de sa voiture, lors de la parade de 2015.

 

En 2014, pour une tout autre raison, Winnie l’ourson était aussi au cœur d’une polémique en Pologne. Selon le site croatiantimes.com, le conseil municipal de la ville de Tuszyn a bloqué le projet d’utiliser l’image du célèbre personnage de dessin animé comme emblème d’un parc pour enfants. La cause ? Ernest Howard Shepard, qui a illustré les histoires de Winnie l'ourson créé par le Britannique Alan Alexander Milne en 1926,  a apparemment jugé bon de ne pas lui mettre de pantalon. «Le problème de cet ourson est qu’il est à moitié nu, ce qui est totalement inadapté pour les enfants», affirme Ryszard Cichy, l'un des élus de la ville. Nos ours polonais «sont habillés de la tête aux pieds contrairement à Winnie qui n’est habillé que jusqu’à la taille», a-t-il ajouté.

 


Ce semi-naturisme incriminé à Winnie n’est que le début d’un véritable lynchage. «Il ne porte pas de culotte, car il n'a pas de sexe. Il est hermaphrodite», lâche un autre élu local.

 

Une insinuation qui laisse paraître le héros en peluche sous une nouvelle lumière et qui à ce jour n’a pas été commentée par les autorités chinoises.

dimanche 17 janvier 2016

Jardin le flamboyant


 
La virulence d’un manifeste se mesure à l’enthousiasme qu’il suscite. Sous-titré Manifeste pour les Faizeux, le livre d’Alexandre Jardin Laissez-nous faire ! On a déjà commencé réunit plusieurs qualités indispensables pour entrainer ses lecteurs.

 

Appel à l’action

L’auteur lance un appel à la famille des « faizeux » qui prennent en charge des problèmes concrets du pays et fabriquent sur le terrain leur légitimité.  Son projet, ce n’est pas de fonder un énième parti politique prétendument neuf ou un think tank empilant des rapports volumineux mais un vaste do tank citoyen. Parmi les mots d’ordre : collaboration, partage unité et inclusion. Il s’agit de faire de la société civile aux ressources éparses, émiettées, une formidable puissance politique. 

 

Alexandre Jardin sait de quoi il parle. Ce sont ces « faizeux »  (dont il fait lui-même partie) qui étaient à l’origine des mouvements citoyens et collaboratifs « Lire et faire lire » et « Bleu Blanc Zèbre ». Ce dernier réunit aujourd’hui 200 opérateurs de la société civile tels que des associations, fondations, acteurs des services publics, mairies, mutuelles ou entreprises. Ses participants, les Zèbres, sont regroupés par BBZ dans des Bouquets de solutions thématiques. Contrairement aux « dizeux », ces « faizeux » diffuseurs de bonnes pratiques seront jugés sur les faits et non les promesses. Car « toute promesse est l’aveu d’une impuissance présente. […] Promettre, c’est désormais se décrédibiliser ».

 

 

Colère et révolte 

L’auteur n’hésite pas à jeter le discrédit sur les hommes et partis politiques qui en prennent pour leur grade. Les premiers en tant que gens irréels aux méthodes empesées et inaccessibles aux doutes, des « mini-Colbert » étatistes et dirigistes à l’ego démesuré, « des équipes technocratisées qui ont atteint les limites de l’incompétence ». Les deuxièmes, en tant que « glaciales machines calculatrices, capables de s’asseoir sans ciller sur leurs valeurs les plus fondatrices ».

 

L’écrivain fustige également l’esprit moutonnier qui empêche un renouvellement audacieux : « Ras le bol de cette société civile plaintive, obéissante et courbeuse d’échine ! » Parmi les passages les plus remarquables, un éloge de désobéissance positive, constructive et solidaire. Lorsque les chemins raisonnables et classiques sont devenus les impasses, la désobéissance est légitime et nécessaire. Tel est le sens de cette incantation, appelant à désobéir à aux élus, à la doxa, aux énarques, à tous les adeptes du déni, aux partis momifiés et à sa propre lâcheté.  A ce propos, l’auteur n’hésite pas à invoquer l’esprit Charlie ou le sursaut républicain ravivant le courage des Résistants.

 

Force romanesque 

L’Histoire a d’ailleurs toute sa place dans les visions de celui qui « a longtemps porté un masque de romancier » en essayant de corriger le réel par écrit. L’ouvrage de Jardin peut être lu aussi comme un récit intime ponctué des rencontres mémorables. L’écrivain qui depuis L’Île des gauchers ne recule pas devant le genre utopique est toujours à la recherche du Héros et d’une idée du réel pouvant se substituer à la fiction pure. D’où les références historiques et le recours aux modèles, ces « tourbillons humains », comme Churchill ou de Gaulle. Car selon Jardin, un président, c’est avant tout l’auteur du grand roman national et le metteur en mots d’une aventure collective. « Or le malheur veut que les présidents qui se sont succédé depuis François Mitterrand n’ont pas raconté à la France de grands romans vivifiants ». Telle princesse ensorcelée, la France lui apparaît comme un réservoir d’énergies dormantes ; elle n’attend qu’à être réveillée par « les amants de la République ». Une belle occasion pour célébrer la créativité désordonnée et féconde d’une société vivante et auto-organisée, l’ingéniosité et l’inventivité exubérante des  gens qui se bougent, souvent de façon bénévole. Les gens inaptes au moule, férus de liberté et naturellement bienveillants, de « grands caractères anormalement vivants qui redessinent le monde ». Porté par les réseaux sociaux, cette énergie existe grâce à l’élan des entrepreneurs, des fonctionnaires innovants, des militants associatifs qui raisonnent out of the box : « les dingos de vie, les aspirateurs à idées neuves, les amateurs de folies efficaces et les gentils » qui exigent un grand rôle. Il ne faut pas leur demander  de la cohérence : la complexité de la vie appelle des solutions très diverses et souvent contradictoires. Ce qui compte, c’est de faire jaillir des solutions opérationnelles là où les énarques  des ministères ne voient que des problèmes. C’est la vocation des bouquets des « zèbres » agissant avec peu de moyens, pour combattre l'illettrisme, éduquer des jeunes, permettre de trouver ou de retrouver un emploi, mettre des livres à portée de défavorisés, transporter des personnes à mobilité réduite, donner accès à un logement décent à ceux qui n'en ont pas.

 

La force romanesque de Jardin, c’est aussi sa puissance langagière, cette capacité à nommer les choses qui est la marque du leadership réel,  à « féconder notre langage » en lui faisant des enfants « exaltés, turbulents et vivants ». Tels sont par exemple de nombreux néologismes peuplant les pages de ce livre : conseildétateux, emparisianisés, marinesque, chruchillesque, charlien, véroniquien, abbépierresque…

 

Et pour couronner le tout, il y a le titre. Le titre en impératif qui ne laisse aucun doute sur l’objet de ce manifeste. Une injonction plutôt qu’une demande et qui n’est pas sans rappeler cette tirade véhémente de Marquis d'Argenson, l’un des premiers critiques de l’interventionnisme à la française « Laissez faire, telle devrait être la devise de toute puissance publique, depuis que le monde est civilisé. […] Laissez faire, morbleu ! Laissez faire !! »

mercredi 6 janvier 2016

Un manifeste au féminin?




Voilà qui semble excentrique.

 
Prenez une anthologie au hasard et regardez la table des matières. Aucun nom féminin ne vous sautera aux yeux. Les hommes écrivent les manifestes et les femmes les rassemblent, les annotent et les mettent en œuvre. Elles lisent et exécutent à l’ombre des beaux parleurs. Les déclarations et le leadership, ce n’est pas pour elles.

 
Un manifeste au féminin ?

 
Une chose difficile à imaginer dans un monde où les rôles sont repartis comme le dictent le bon sens et les bonnes manières.

 
Les filles belles et sexy écrivent de la chick lit.

 
Les filles drôles et bavardes écrivent des sketchs.

 
Les filles intellos écrivent des essais.

 
Des filles qui écrivent les manifestes ressemblent forcement aux Femen ou à Virginie Despentes, car les mots « femme » et « publique » ne vont pas très bien ensemble. Ce sont celles qui ne savent pas se faire discrètes. Celles qui abusent et s’exhibent, en nous mettant mal à l’aise. Elles font ce qui ne se fait pas, ce qu’on ne leur pardonnera pas. Elles se conduisent de façon virile et agressive (ou vulgaire et hystérique). Elles savent donner et encaisser les coups, elles dénoncent et revendiquent. Elles ne cherchent pas à plaire, elles ne pleurent pas, elles n’ont pas peur, elles veulent refaire le monde.

 
Chères amies, l’aventure vous tente ? Alors vous savez ce qu’il vous reste à faire…