samedi 23 mai 2015

Les internautes choisissent la « liberté (d’expression) »





Chaque année, le Festival du Mot, dans la Nièvre, est l'occasion de mettre à l'honneur deux mots symboliques de l'année en cours, choisis par les internautes et un jury de spécialistes. En 2014, les mots de l'année avaient été "selfie" et "transition" : une insouciance qui semble bien lointaine. Cette année, marquée par l’attentat contre Charlie Hebdo, le choix s’est porté sur des valeurs fondamentales de la République bien plus que sur de simples phénomènes d’actualité. 12 mots emblématiques étaient en lice: abstention, binôme, caricature, crispation, Daech, frondeur, intégrisme, laïcité, lâcheté, réchauffement et zadiste, ainsi que liberté (d'expression). 

C’est la « Liberté (d’expression) » proposé par les collégiens et les lycéens de la Nièvre qui a été choisi par  31% des 101 297 personnes votant de 118 pays différents. «Laïcité» est arrivé en seconde position avec 17,59%, devant «caricature» (8,83%) et «zadiste» (6,46%). Le jury, composé de journalistes, écrivains et spécialistes de la langue française et présidé par Alain Rey, grand lexicographe et linguiste, a pour sa part choisi le mot «laïcité». D’après son Président, les mots gagnants « ont un rapport étroit l’un avec l’autre ».






Hasard du calendrier, quelques jours avant l’ouverture du 11e Festival du Mot dédié au dessinateur de Charlie Hebdo Honoré, ces valeurs fondamentales sont de nouveau remises en question. Comme le montrent de nombreuses polémiques autour du livre de Caroline Fourest « Eloge du blasphème », mais aussi les menaces de mort à l’égard de l’équipe de « La Mouette Bâillonnée », le journal de lycée ayant publié un numéro spécial après les attentats de janvier, la liberté d'expression et la laïcité ont plus que jamais besoin, pour exister, d’une telle adhésion massive.

dimanche 17 mai 2015

Prouesse linguistique récompensée





Les « élites » françaises ne sont pas les seules à dénoncer les attaques contre le plurilinguisme et la diversité culturelle visant une mise au pas éducative. Elles ont des alliés à l’autre bout de la planète qui, pour se faire entendre, se montrent beaucoup moins frileux et traditionalistes dans leurs démarches. Ainsi, Patrick Stewart, un doctorant amérindien vivant au Canada, a remis au jury une thèse de 52 438 mots sans aucun signe de ponctuation : pas de virgule, pas de point, pas de majuscule et pas de paragraphe visible. Le National Post rapporte que sur 149 pages, il y a tout de même un ou deux points d'interrogation.

 «J’aime dire qu’il s’agit d’une seule phrase, longue, sans coupure, du début à la fin » commente l’étudiant. Par ce geste, il souhaite dénoncer l’oppression post-coloniale de la culture amérindienne, mais aussi « l’acceptation aveugle des conventions de la langue anglaise dans le monde universitaire ». Patrick Stewart explique sa démarche dans l'introduction de sa thèse: «Pour me défendre je dois dire que mon style d'écriture ne vient pas d'une certaine paresse ou d'un manque de connaissance de la langue anglaise ; c'est une forme de résistance grammaticale déconstructionniste».

Il compare ensuite sa liberté de ton avec celle du poète américain E.E. Cummings, connu pour son approche expérimentale de la ponctuation. Au départ, Patrick Stewart, qui a 61 ans, avait écrit la première version de sa thèse d'architecture intitulée «L'architecture indigène à travers le savoir indigène» en langue Nisga'a, mais un professeur de l'Université de Colombie Britannique a mis son veto.

Le thésard est alors revenu avec une traduction «poétique» et quelques concessions aux universitaires: pour faciliter la vie de ses examinateurs, il a tout de même débuté chaque chapitre par un petit résumé rédigé selon les règles académiques habituelles.

Son directeur de thèse, affilié au programme des «Indigenous studies» de l'université, a reconnu que superviser ce projet avait été une «expérience très intéressante». Mais il admet que pour d'autres professeurs, ce travail a été vu comme «provocateur, presque choquant et il a fallu beaucoup d'efforts pour défendre cette approche».


Les efforts qui ont payé et qui pourraient faire des émules (un autre mot que le gouvernement socialiste voudrait bannir du dictionnaire). Car la pensée non conventionnelle est et restera l’arme favorite des « élites » dans la lutte contre le nivellement.

jeudi 7 mai 2015

"Vive les vieux!" d'Olivier Calon


"Vive les vieux!" d'Olivier Calon



Entre une analyse sociologique, une étude du marché de la Silver Economy, une philosophie de la liberté et de la lenteur et une encyclopédie du troisième âge, ce livre est un véritable hymne à la tranche de vie trop souvent négligée, voire stigmatisée. Il renverse la tendance, en apportant des réponses à de nombreuses questions provoquées par le vieillissement de la population européenne. Ancien rédacteur en chef du mensuel Notre temps, Olivier Calon connaît parfaitement son sujet, c’est-à-dire, bien au-delà du viager et du Viagra. Voilà pourquoi les « vieux » traversent son ouvrage en véritables stars sous les feux des projecteurs: ils remplissent les salles de cinéma l’après-midi, font naviguer les bateaux de croisière, jouent le rôle irremplaçable de grands-parents, créent de nouveaux emplois, donnent de l’éclat au marché de la beauté, sont les champions du bénévolat, défendent le patrimoine et bien plus encore. Si certains de leurs domaines de prédilection, telle la vente par correspondance, risquent de disparaître dans quelques décennies, d’autres, comme la solidarité intergénérationnelle, les prothèses audio, le tai-chi ou les valises à roulettes, sont promis à un bel avenir.


Le chapitre 57 Ils nous épatent ! énumère plusieurs performances remarquables qu’on doit aux personnes âgées dans les domaines du sport, de la politique, de la musique ou de la mode. Parmi les plus courageux, les retraités escaladant l’Everest ou cette octogénaire cannoise qui est parvenue à mettre en fuite un voleur à coups de pieds, d’ongles et de dents. Les séniors d’aujourd’hui sont en fait des pléniors (mot plébiscité en 2013 par le Festival XYZ du mot et du son nouveau) et n’hésitent pas à imiter les jeunes. Ils organisent des flash mobs avec des dizaines de danseurs et parodient le langage SMS, en inventant leurs propres abréviations : AQLPE pour A quand le prochain Enterrement ou MPEME pour Mes petits-enfants m’emmerdent. A ce propos, l’auteur cite la pensée de Paul Morand : « La jeunesse n’est jamais admirable ; sauf chez quelques vieillards » Voici une belle leçon de solidarité, d’espoir et de sérénité face au vieillissement.