mardi 11 novembre 2014

Un(e) nouvel(le) ami(e)



Affiche du film Une nouvelle amie
 
 

Du roman de Ruth Rendell dont ce film est une très libre adaptation, Une nouvelle amie de François Ozon a repris surtout le titre. Tout comme Jeune et jolie, celui de son précédent film, il évoque fraîcheur et innocence. Mais derrière cette façade faussement naïve et simpliste se cache une œuvre d'une grande complexité et d'une extrême finesse, particulièrement surprenante dans son traitement du motif de deuil.
 
Au-delà de la photographie superbe, de la lumière féérique de l’été indien canadien et de la performance remarquable des acteurs, il y a au moins deux raisons de voir Une nouvelle amie.
 

Pour s’amuser des clichés


D’après Claire Micallef du Nouvel Obs, il s’agit d’un « pied-de-nez aux opposants au mariage pour tous ». En effet, le film est réjouissant par son côté ludique et malicieux. Loin de combattre les clichés de façon frontale, Ozon, en véritable maître de la provoc’, s’amuse à jouer avec eux. Bien sûr, il s’agit en premier lieu des clichés concernant le genre (gender) : l’homme qui porte des vêtements de sa femme est forcément malade / gay / va à une« soirée déguisée », etc. Après tout, confondre les genres n'est-il pas le meilleur moyen de contourner les stéréotypes? Voici une bonne raison de réserver le même traitement aux genres cinématographiques, que le réalisateur égrène avec autant d'espièglerie que de générosité. Le film commence comme un mélodrame, passe d'une élégie automnale au vaudeville et au « thriller sentimental », vire ensuite au conte pour finir dans une utopie sociale, très loin du polar de Ruth Rendell. Enfin, l’onirisme de certaines images marque l’intrusion du registre fantastique (autant que fantasmatique). Il est là pour célébrer l’ambigüité, la métamorphose, le règne de l’illusion, la chance donnée aux désirs non avouables, bref, une tentative désespérée de travestir la réalité en dépassant la nature au profit du surnaturel. Simplement, au lieu d’explorer les phénomènes exceptionnels et spectaculaires, le réalisateur s’intéresse à la part cachée de l’homme, cet étrange qui est à notre portée.
 

Pour réfléchir sur le sens des mots

« Tu es un pervers », lance Claire (Anaïs Demoustier) à David (Romain Duris) au début du film. Une allusion au discours social moralisateur et abusant des émotions qui, depuis un certain temps, utilise les notions de pervers et de perversité de façon particulièrement stigmatisant. Mais qu’est-ce qu’une perversion ? Un comportement déviant, pathologique, amoral, vicieux, tordu, les agissements de délinquant sexuel et de manipulateur ? Un pervers, est-ce celui qui se travestit en femme tout en aimant les femmes, celui qui veut jouer un double rôle auprès de son enfant, celui qui habille et maquille lui-même sa femme sur son lit de mort au lieu de confier cette tâche aux professionnels? Entre la dissimulation et la révélation, le spectateur se voit confronté aux questions sur le rapport entre la tolérance, l’acceptation, l’amitié, le secret et la confiance. Le parcours initiatique et émancipateur que fait l’héroïne du film est sans doute un moyen d’y trouver quelques réponses.

 

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