Après l’œuvre de Paul McCarthy
vandalisé place Vendôme au mois d’octobre et une photographie de Diane Ducruet
censurée au mois de novembre, voici une nouvelle installation qui provoque de
vives réactions. Exhibit B est une
expo-performance créé par le metteur en scène sud-africain Brett Bailey et découverte
par les Français au Festival d’Avignon 2013. Présentée au Théâtre
Gérard-Philipe de Saint-Denis, du 27 au 30 novembre, puis au 104, à Paris, du 7
au 14 décembre, c’est une installation en douze tableaux vivants évoquant des
scènes issues de l’histoire coloniale et postcoloniale. Son titre vient des
pièces à conviction rassemblées dans un des dossiers d’instruction. Né dans les années 60 et ayant grandi en Afrique du
Sud sous l'apartheid, son auteur s'attaque à un sujet qui lui tient à cœur. Troublante, dérangeante, l’exposition met en
scène des personnes noires enchaînées, assises derrière des barbelés,
bâillonnés ou travaillant dans des
champs de canne au sucre. Cette œuvre artistique est loin de faire l’unanimité,
d’autant plus que les performeurs noirs volontaires et recrutés localement
mettent le spectateur en position de voyeur comme leurs ancêtres l’ont été dans
les sordides « zoos humains » et les foires jusqu’au début du XXe siècle.
Depuis quatre ans, l’installation
a été accueillie, sans vagues, un peu partout en Europe, à Vienne (Autriche), à
Bruxelles, à Avignon, à Paris (au 104, en novembre 2013). La controverse a
véritablement commencé quand Exhibit B est arrivé au Royaume-Uni, au
Festival d’Edimbourg en août, puis à Londres. Elle devait être présentée au
Barbican Centre en septembre mais a été déprogrammée à la suite de pressions
accusant l’œuvre de racisme.
En France, la polémique a
commencé en octobre, avant de prendre ces derniers jours des proportions
beaucoup plus importantes. Une pétition lancée sur Internet et visant à faire
interdire l’œuvre, a recueilli plus de vingt mille signatures. Exhibit B,
que la plupart des personnes à l’origine de ce mouvement n’ont pas vu, suscite
de vifs débats notamment dans la communauté noire. Il y a ceux qui s’indignent
des images dégradantes ou dénient purement et simplement à Brett Bailey, en
tant que Blanc, de s’arroger le droit de faire œuvre à partir de l’histoire des
Noirs. Mais aussi ceux qui s’interrogent sur la culpabilisation imposée à la
population blanche. Pour les défenseurs de la performance, il est indispensable
de l’avoir vue en réalité et pas seulement les photos pour pouvoir juger des
effets qu’elle produit. Quand certains reprochent un spectacle choquant,
d'autres applaudissent une œuvre militante et touchante, montrant le passé
d'une population telle qu'elle l'a vécu. Plusieurs associations anti-racistes (Mrap, Licra) attestent elles
aussi que les motivations de Brett Bayley – dénoncer le racisme et le
colonialisme – sont aux antipodes de celles que lui prêtent les manifestants.
Jeudi, pour la première, à
l’appel du Collectif
contre Exhibit B, plusieurs dizaines de manifestants se sont rassemblés
devant le théâtre aux alentours de 18 heures, pour demander l’annulation de
l’installation, alors que des spectateurs étaient déjà à l’intérieur. S’il n'y
a pas eu d'intrusion dans le théâtre, trois personnes ont toutefois été
arrêtées. Face à la violence des
détracteurs venus crier "Au racisme !" la représentation de jeudi a
dû être interrompue. Celle de ce
vendredi a été maintenue, avec un dispositif policier renforcé pour assurer la
protection des spectateurs, et un nouvel appel à la mobilisation.
Le directeur du théâtre Gérard
Philippe à Saint Denis l'assure: la programmation d'Exhibit B se poursuivra comme prévu jusqu'à dimanche 30 novembre. Le
débat du public avec Brett Bailey opposant "pro Exhibit" et
"anti Exhibit" a cependant été annulé.
Exhibit B, par
Brett Bailey. Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, du 27 au 30 novembre. Au
104, à Paris, du 7 au 14 décembre. www.theatregerardphilipe.com
et www.104.fr
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